Affolées par le déferlement médiatique autour des pilules de 3ème génération, de nombreuses femmes s’interrogent sur les démarches à entreprendre :doivent-elles arrêter de prendre leur pilule? Doivent-elles adopter un autre mode de contraception? Quels sont les risques réels des pilules contraceptives? Doctissimo a interrogé le DrChristian Jamin, gynécologue endocrinologue à Paris.
Pilules 3ème génération : faut-il l'arrêter ?
Après le dépôt de
plainte d’une patiente contre le fabricant de sa pilule de 3ème génération, qu’elle rend responsable de l’AVC qui l’a rendue handicapée à 65 %, la ministre de la Santé, Marisol Touraine a décidé d’
avancer le déremboursement de ce type de pilules au 31 mars, contre le 30 septembre comme initialement prévu. Cette annonce inquiète les professionnels de santé, qui craignent un pic de grossesses et d’
IVG. Ils insistent sur l’importance d’avoir une contraception, quelle qu’elle soit.Doctissimo : Les femmes doivent-elles interrompre leur pilule ?Dr Christian Jamin : Les femmes ne doivent surtout pas arrêter de prendre leur pilule. Les sur-risques thromboveineux et thromboembolique attribués aux pilules de 3ème génération existent surtout en début de prise. Si vous supportez bien votre pilule de 3ème génération, discutez-en tranquillement avec votre médecin pour savoir pourquoi il vous a prescrit cette pilule. Si les raisons ne sont pas suffisantes, demandez-lui de vous prescrire une pilule de 2ème génération ou des pilules à l’estradiol ou encore un autre mode de contraception. S’il a des raisons objectives, gardez-la.
Doctissimo : Quels sont les risques auxquels les pilules de 3ème génération exposent ?Dr Christian Jamin : Deux types d’accidents sont associés aux pilules, que l’on connaît depuis plus de 50 ans : – les accidents artériels (les
infarctus du myocarde, certains
accidents vasculaires cérébraux), dont la mortalité est très élevée, à hauteur de 50 %. Ces accidents sont toujours liés à des comorbidités, autrement dit à d’autres maladies ou facteurs de risque tels que l’
hypertension artérielle, le
tabagisme, le
diabète, l’
hypercholestérolémie. En l’absence de tels facteurs, la pilule ne présente aucun risque.- les accidents thromboveineux (
phlébite,
embolie pulmonaire). Ces accidents sont imprévisibles dans la moitié des cas. Et même si l’on tient compte des facteurs de risque – que sont les antécédents personnels et familiaux, l’âge, le poids et la durée de prise de la pilule – le risque reste le même, à savoir le double de celui d’une femme sans
contraceptif oral, soit 4 cas attendus par an pour 10 000 femmes contre 2.Doctissimo : Les autres modes de contraception comportent-ils des risques ?Dr Christian Jamin : La pose d’un
stérilet expose à un risque infectieux important, notamment chez les femmes qui n’ont pas une vie sexuelle stable. En outre, il existe un risque de perforation de l’utérus. Le
préservatif ne prévient la
grossesse que dans 80 % des cas. Quant aux
pilules progestatives pures ou aux
implants, la prise continue de progestatifs peut entraîner des troubles des règles, de l’
acné ou une prise de poids parfois difficilement supportables.Doctissimo : Comment doit se dérouler la consultation lors de la prescription d’une pilule ?Dr Christian Jamin : Le médecin doit procéder à un examen clinique et interroger sa patiente sur ses antécédents personnels et familiaux d’accidents vasculaires, son âge, son poids, et la durée de la prise de la pilule : plus une femme la prend depuis longtemps, plus son risque de thrombose veineuse est élevé. Le risque est ainsi multiplié par 20 dans les 6 premiers mois, puis par 2 par la suite mais remonte à 20 si on l’arrête plus de 3 mois. Elle a donc intérêt à la prendre en continu.Doctissimo : Y a-t-il des examens spécifiques capables de prédire le risque d’accident vasculaire ?Dr Christian Jamin : Aucun examen ni aucune prise de sang n’est prédictif d’une thrombose. La preuve, seul un tiers des victimes de phlébites présentent des désordres biologiques.Doctissimo : Quel est le plus grand risque de la contraception ?Dr Christian Jamin : Le pire de la contraception, c’est de ne pas la prendre.Amélie Pelletier, le 3 janvier 2013.
Source
Interview du Dr Christian Jamin, gynécologue endocrinologue à Paris, le 3 janvier 2013.Crédit : DURAND FLORENCE/SIPA